Supprimer le bilan de compétences du CPF
UNE ERREUR STRATÉGIQUE AUX LOURDES CONSÉQUENCES ! Le projet de loi de finances 2026 prévoit de retirer le bilan de compétences des actions éligibles au Compte Personnel de Formation (CPF).
Présentée comme une mesure de maîtrise des dépenses publiques et de lutte contre la fraude, cette décision soulève pourtant une question de fond : Si la volonté de renforcer le contrôle et la transparence des financements est pleinement légitime, peut-on affaiblir un pilier de l’accompagnement professionnel sans en anticiper les conséquences sur les parcours des actifs ?
Pour comprendre l’enjeu, il faut revenir sur l’histoire du dispositif
Né en France en 1986 et inscrit dans le Code du travail, le bilan de compétences a depuis essaimé en Europe. Aujourd’hui, plus de 50 organismes dans 7 pays accompagnent chaque année près de 100 000 personnes. Ce succès international repose sur une idée simple : permettre à chacun de faire le point sur ses compétences, de clarifier ses projets et de reprendre la main sur son parcours professionnel.
Véritable modèle européen d’accompagnement, il s’inscrit dans les principes de l’orientation tout au long de la vie et de la reconnaissance des apprentissages informels, au service de l’autonomie et de la capacité d’agir de chacun.
En retirer le financement via le CPF reviendrait à fragiliser un dispositif central du développement professionnel en France. Car le bilan de compétences n’est pas un simple service : c’est un outil stratégique dans un monde du travail en mutation rapide, un espace pour se repérer, se repositionner et agir avec lucidité, plutôt que par impulsion.
Pourquoi le bilan de compétences doit rester éligible au CPF ?
Un dispositif reconnu et utile : le bilan de compétences n’est ni un luxe ni une dépense de confort. Les études le montrent : il transforme durablement les trajectoires professionnelles. Les bénéficiaires en sortent plus confiants, plus autonomes et mieux orientés. Ces effets sont particulièrement marqués chez les femmes, souvent en reconversion, pour qui le bilan joue un rôle de levier d’émancipation.
En somme : le bilan n’est pas une dépense, c’est un investissement socialement rentable.
Un garde-fou pour un usage raisonné du CPF : le CPF n’a de sens que s’il s’inscrit dans une logique de parcours réfléchi. Sans accompagnement, beaucoup d’actifs dépensent leurs droits pour des formations mal choisies, inadaptées à leur profil ou déconnectées du marché de l’emploi.
Exemple : Une salariée de l’industrie s’inscrit, seule, à une formation d’agent de service hospitalier pour “aider les autres”. Sans savoir que le métier impose les mêmes contraintes physiques que celui qu’elle quitte. Résultat : épuisement, désillusion et retour en arrière. Le bilan de compétences, lui, oriente intelligemment.
Il agit comme une boussole stratégique, en aidant chacun à mobiliser son CPF à bon escient. En cela, il optimise les dépenses publiques et réduit le gaspillage de formations inadaptées. Le coût moyen d’un bilan (environ 1 800 €) est largement compensé par l’économie générée sur des projets mal ciblés. Supprimer le bilan du CPF, c’est désarmer le CPF lui-même de son rôle d’outil d’orientation et de responsabilisation.
Un enjeu d’égalité des chances
Aujourd’hui, près de 90 % des bilans de compétences sont financés par le CPF. Le supprimer, ce serait réserver ce droit à une minorité :
- les salariés des grandes entreprises,
- les cadres disposant d’autres financements,
- ou ceux qui peuvent se le payer eux-mêmes.
Les plus fragiles (les salariés peu qualifiés, les femmes en reconversion, les demandeurs d’emploi, les seniors) en seraient exclus. Ce serait une fracture sociale dans l’accès à l’accompagnement et à l’orientation, contraire à l’esprit même de la réforme de 2018. Le bilan de compétences, financé par le CPF, garantit un droit universel à l’accompagnement professionnel, un espace neutre pour réfléchir avant d’agir. Le supprimer, c’est fragiliser la liberté de choisir son avenir professionnel.
Une complémentarité essentielle avec le Conseil en évolution professionnelle (Mon CEP)
Le Conseil en évolution professionnelle (Mon CEP) ne peut suffire à orienter tous les actifs. Ce serait ignorer la complémentarité forte entre les deux dispositifs. Le CEP est un service public gratuit, accessible à tous, qui aide à clarifier une situation professionnelle, à identifier des pistes et à orienter vers les bons interlocuteurs. Le bilan de compétences, lui, va plus loin : il constitue un travail approfondi d’analyse, d’introspection et de mise en action, mobilisant des outils psychométriques, des investigations ciblées et un accompagnement personnalisé sur 24 heures.
Autrement dit :
- le CEP éclaire la direction,
- le bilan de compétences construit le chemin.
- à l’issue du bilan de compétences, le CEP accompagne la mise en œuvre du projet (PMSMP, demande de financement, recherche d’emploi…)
Leur articulation est précieuse : beaucoup d’actifs démarrent leur réflexion avec le CEP, puis approfondissent et concrétisent leur projet grâce au bilan. Supprimer le financement du bilan reviendrait à casser cette continuité entre conseil, réflexion et mise en œuvre. CEP et bilan sont les deux faces d’une même logique : accompagner l’autonomie des individus tout en sécurisant les parcours professionnels.
Plutôt que d’exclure, encadrer et professionnaliser
Oui, des dérives existent : l’explosion d’offres low-cost, la dérégulation du marché, des pratiques tout en distanciel déconnectées des bassins d’emploi… Mais ces problèmes ne justifient pas la disparition du dispositif. Ils appellent une régulation renforcée, pas une suppression aveugle.
NOTRE CONVICTION CHEZ CATALYS CONSEIL :
Encadrer les pratiques et les tarifs
- Maintenir le bilan dans le CPF, avec un plafond de prise en charge
- Limiter la fréquence (par ex. un bilan tous les 4 ans en l’alignant sur le nouvel entretien de parcours professionnel).
- Fixer des règles précises pour les bilans à distance avec un encadrement des temps asynchrones en encourageant plutôt les temps synchrones.
Renforcer les contrôles et la transparence
- Vérifier le respect de la durée réglementaire de 24 heures
- Compléter Qualiopi avec un référentiel qualité spécifique au bilan de compétences, afin d’aller au-delà du contrôle des process et de garantir un niveau homogène d’exigence pédagogique et déontologique entre les prestataires.
- Publier les taux de satisfaction et d’impact sur une plateforme nationale.
- Créer un observatoire national du bilan de compétences pour suivre les pratiques, les coûts et les effets sur l’emploi.
En conclusion : ne détruisons pas ce qui fonctionne
La lutte contre la fraude est légitime, la maîtrise des dépenses publiques également. Mais supprimer le financement du bilan de compétences, c’est fragiliser les parcours des actifs et punir les opérateurs qui le délivre avec professionnalisme et éthique.
C’est aussi affaiblir le CPF, en supprimant ce qui lui donne sens : la capacité à choisir, comprendre et construire son parcours professionnel. Le bilan de compétences, loin d’être une dépense inutile, est un investissement pour l’avenir du travail.
Le maintenir dans le champ du CPF, c’est faire le choix de la responsabilité, de l’autonomie et de l’égalité d’accès aux droits.
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